Patrick et Marie de Gotta Design

C’est une chaise, une simple chaise abandonnée sur un trottoir qui change le quotidien de Patrick, il y a une quinzaine d’années. 

Le futur marchand récupère ce « déchet » et commence à la réparer « pour se vider la tête », raconte-t-il. Il ne le sait pas encore, mais avec cette « rencontre », il met les doigts dans l’engrenage. Très vite, il s’intéresse aux meubles d’hier. Il chine, revend, achète à nouveau et se plonge dans les livres sur l’univers du design. 

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Image source undesignable.eu

Le nouveau chineur se spécialise dans les fabrications des années 1950 au début de la décennie 1970, avec un intérêt marqué pour l’immédiate après-guerre : « Il y a un tel besoin d’innovation ! Et tout à reconstruire… », détaille notre marchand belge.

« La chasse au trésor, la quête de la découverte, c’est très vite addictif », confesse-t-il. Et dans sa frénésie d’achat, il commet évidemment les faux pas de tout débutant : « C’est comme au poker, s’amuse-t-il : il faut apprendre les règles. Un jour je chine un meuble 100 €. Je tairai le nom du designer... Je le vends 300 et je suis tout content. Plus tard, j’entends qu’il a été vendu 44 000 € ! ». Beau joueur, Patrick ne regrette pas vraiment cet épisode. Ça m’a appris à être prudent et encouragé à lire et lire ! 

Au fil du temps, Patrick se fait aussi plus sélectif. « Je recherche la pièce rare, l’exception. Des gens peu connus du grand public ont fait des choses formidables. C’est un marché infini », explique-t-il avant de s’enflammer pour l’extrême simplicité de tables signées par Pierre Chareau.

Marie qui accompagne régulièrement Patrick sur les salons et les bric-à-brac apporte quant à elle « les touches colorées et arrondies » de leurs stands « Je chine de la vaisselle et autres pièces de céramique. Mais Patrick est un vrai passionné. Il dort peu, et passe énormément de temps à chercher ses pépites sur le net ! On vit au milieu de toutes ces pièces, et l’entrepôt est plein. »

Notre Indiana Jones du design avoue d’ailleurs être capable de faire 1000 km « pour aller voir un meuble exceptionnel, sans savoir dans quel état je vais le découvrir, ni à quel prix ».

Au-delà de son obsession pour le design, il trouve son bonheur dans la rencontre des gens, donne avec plaisir son avis sur un meuble ou un objet. D’autant que ces échanges ouvrent parfois des opportunités. Des pièces d’exception qui ont une valeur d’investissement aux « lots de chaises de club de foot qui partent à New York pour équiper les nombreux French Coffee qui ouvrent », il est aussi fier de faire travailler des artisans qui restaurent ses trouvailles.

Et lorsqu’on lui demande s’il se sépare toujours facilement de ses meubles et objets, il réplique : « Ça ne m’attriste pas, car c’est la vente qui me permet de trouver d’autres pièces ensuite ! »

Le chineur compulsif s’étonne que des amateurs viennent de l’étranger pour voir les meubles et objets pointus qu’il a dénichés. Qui aurait parié qu’il se passionnerait un jour pour cet univers, il y a 20 ans ? 

« Mon truc à moi, c’était la guerre », explique l’ancien coach pour Bodyguard sur les zones de conflit. « Je n’en avais rien à f... d’une chaise ou des designers ! Comme Obélix, je suis tombé dedans par accident… Et je ne veux surtout plus en sortir ! »

 

Leur vision du marché

Le marché se tend depuis le covid. « Le moyen de gamme a chuté », explique Marie. Sur les salons, certains voudraient du très très beau pour pas cher. D’autres chicanent pour 5 balles, s’agace-t-il : « Je suis un peu caractériel », s’excuse-t-il, « mais ils vampirisent l’énergie qu’on aimerait consacrer à des gens qui ont envie de partager. » 
Et Patrick apprécie ces échanges : « Lors de la dernière édition d’Undesignable Market, j’étais émerveillé par le nombre de jeunes curieux. C’est quoi ? Quelle est l’histoire de cet objet ? D'où vient-il ? Ça les intéressait ! La clientèle rajeunit !
« Nous nous sommes recentrés vers des pièces exclusives », explique Marie. « Le haut de gamme, se vend bien », poursuit Patrick. « Ce sont souvent des acheteurs fortunés, qui connaissent peu le design, mais font confiance à leur décorateur. Une part de ma marchandise part ainsi pour le Qatar, l’Arabie, Doubaï… »

Il y a trois réactions possibles à tout design : oui, non, et WAHOU ! La troisième est celle que je vise. 

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